J’écrivais le
18 décembre 2011 sur la blogosphère des avocats agonisante.
Le procureur
peut-il poursuivre l'ouverture d'une procédure collective contre une personne
physique ou morale éligible à celle-ci en FRANCE ?
Je disais que
la réponse est oui dans le droit positif français. C'est très rarement
appliqué, mais possible suivant l'art. L.631-5 du Code de commerce, tandis que
l'art. L.621-2 du même Code, lui, permet aussi de demander l'extension d'une
procédure déjà ouverte.
La Cour de
justice de l'Union européenne celle de LUXEMBOURG
n'est pourtant pas de cet avis, au moins lorsque c'est le cas de
l'établissement secondaire dans le pays où exerce ledit procureur, d'une
entreprise établie dans un Etat différent de l'Union (n°1346/2000 ; 17.11.2011
; arrêt ZAZA).
L'histoire
correspondante était la suivante. Une société (principale) avait son siège aux PAYS-BAS
et un établissement (secondaire) en BELGIQUE. La principale était faillie. La
secondaire non. Et personne ne bougeait coté principal pour aller demander
l'ouverture d'une procédure contre l'établissement secondaire. Alors, le
procureur du roi des Belges a fait le boulot et a demandé, lui, l'ouverture
d'une procédure collective à la juridiction belge s'agissant de l'établissement
secondaire. Afin que tout le monde soit dans le même panier. Oui lui a dit le
Tribunal. Non, a dit la Cour d'appel d'ANVERS au procureur général du roi. Et
sur recours, la Cour de cassation belge de poser une question préjudicielle à
la Cour de l'Union européenne de Luxembourg, à propos du règlement du 29 mai
2000 (CE) n° 1346/2000 du Conseil, relatif aux procédures d'insolvabilité.
Laquelle a
alors collé au texte communautaire et rappelé que le terme « créancier » qui
figure à la convention pour désigner (limitativement) le cercle des personnes
habilitées à demander l'ouverture d'une procédure territoriale indépendante,
doit être interprété en ce sens qu'il n'inclut pas une autorité d'un Etat
membre qui, selon le droit national de celle-ci, a mission d'agir dans
l'intérêt général, mais qui n'intervient pas en tant que créancier, ni au nom
et pour le compte des créanciers.
Ceci veut
dire que ni le Tribunal, ni le parquet, en FRANCE, n'ont qualité pour demander
l'ouverture d'une procédure collective contre l'établissement (secondaire)en FRANCE
d'une entreprise ayant siège (principal) dans un autre Etat de l'Union.
Plus
généralement, que la convention n'apprécie pas le moins du monde qu'on puisse
être à la fois l'autorité de poursuite (le Tribunal, ou le Parquet), et la
juridiction (le Tribunal).
Voyez, à LUXEMBOURG,
on applique à la lettre les grands principes.
____________
Ca, c'est que
j'écrivais, plein d'espoirs. C'est beau le droit et même le droit
communautaire...
Or, voici
que, sans tenir compte du règlement communautaire, l'ordonnance -c'est tout un
programme de négation de la loi- du 12 mars 2014, réformette française des
procédures, collectives, redonne indirectement au président du Tribunal les
pouvoirs de saisine d'office que le Conseil constitutionnel lui a retirés, non
pas par une décision, mais par trois. Rien que cela.
Alors, les
rédacteurs de l'ordonnance se sont rappelés de l'existence des art. L.631-5 et
L.621-2 du Code de commerce, qui ne servaient pratiquement jamais.
On a ainsi
inventé deux nouveaux art. L.631-3 et L.640-3 : lorsqu'il est porté à la
connaissance du président du Tribunal des éléments faisant apparaitre que les
conditions (d'ouverture de la procédure) sont remplies, il en informe le
ministère public par une note exposant les faits de nature à motiver la saisine
du Tribunal. Et c'est le parquet qui cite.
Le président
ne peut siéger, à peine de nullité de la décision à intervenir, dans la
formation de jugement ni participer aux délibérés si le ministère public
demande l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation
judiciaire du débiteur.
Vous avez
bien compris : le président qu'on a mis à la porte, de la rue Montpensier,
revient par la fenêtre, de la rue du faubourg Saint-Honoré. Chez un autre
président, celui de la République.
Alors que la
raison fondamentale pour laquelle le Conseil constitutionnel l'a ainsi chassé
reste la même. C'est qu'il a connu de l'affaire, notamment par la prévention,
et que dans ces conditions, la juridiction appelée à statuer sur la procédure
collective va nécessairement manquer d'impartialité.
Car, ce que
prévoit l'ordonnance (applicable au 1er juillet 2014) est tout simplement la
négation même de ce qui a été jugé trois fois par le Conseil constitutionnel,
sans compter de la directive européenne sur les procédures collectives. Et je
ne parle pas du rapport parlementaire de la commission présidée par Madame
Cécile UNTERMAIER...
ET POURTANT :
Je n’avais pas
remarqué que par sa décision du 7 mars 2014, le Conseil constitutionnel avait déclaré à peine quelques jours plus tôt inconstitutionnelle
la disposition de l’art. L. 626-27 du Code de commerce qui prévoit pour le
Tribunal de commerce la possibilité de se saisir d’office aux fins de résolution
d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
TRADUCTION :
Le Conseil
constitutionnel déteste la saisine d’office. Normal. Il a raison.
Alors, on
contourne. Le tribunal, au lieu de se saisir d’office, demande au parquet de le saisir lui le tribunal. C’est déjà tordu en droit français. Mais
vaguement, l’apparence est sauve.
Oui mais, en droit
communautaire, la Cour de LUXEMBOURG dit non.
Moi, je n’ai de
conseil à donner à personne, mais rue Montpensier, on aurait pu (pour la deuxième fois sauf
erreur) demander son avis à la Cour européenne de LUXEMBOURG. C’est vrai que c’est
gênant. Surtout qu’on sait qu’elle ne veut surtout pas que le parquet se mêle de cela…
Finalement,
ce n'est surement pas que la chancellerie cherche à faire plaisir aux juges
consulaires. Mais c'est vrai malheureusement qu'on a trop besoin des tribunaux
de commerce actuellement tout simplement pour encadrer la faillite de
l'économie française.
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