jeudi 17 avril 2014

DOSSIER PROCEDURES COLLECTIVES: MORT DE TREILHARD ET FIN DE REUNION



Je retrouve ce billet de janvier 2012.

J’écrivais il y a deux ans à peine que le  Conseil constitutionnel n'a jamais l'occasion de statuer sur les questions prioritaires de constitutionnalité en matière de procédure collective.

Les choses ont bien changé rapidement.  Car il ne se prive plus de dire le droit constitutionnel sur le sujet.

Revenons à mon ancienne communication. 

J’y traitais d’une décision du 20 janvier 2012

 


 

En disant non conforme à la constitution l'art. L.624-6 du Code de commerce.

 

Je cite ce texte : « le mandataire judiciaire ou l'administrateur judiciaire peut, en prouvant par tous les moyens que les biens acquis par le conjoint du débiteur l'ont été avec des valeurs fournies par celui-ci, demander que les acquisitions ainsi faites soient réunies à l'actif ».

 

Le nom des parties et ce que j'ai compris indiquent à tous les coups qu'on était ici en présence d'un couple marié sous un régime islamique, la loi du mariage étant alors la séparation de biens (à deux exceptions près, la Turquie et la Tunisie, avec réserves et pour combien de temps encore ?).

 

Après cela, c'est très simple. Le mari est commerçant. A l'époque où il en gagne, il donne de l'argent à son épouse. Celle-ci joue la fourmi et constitue un patrimoine. Puis, faillite du mari, et le liquidateur va chercher l'épouse pour réunir son patrimoine séparé ainsi constitué à celui du mari failli.

 

On n'a rien découvert ici. C'est en effet une très vieille histoire.

 

Déjà notre confrère de l'époque, Jean-Baptiste TREILHARD (1742-1810), ancien membre de la Convention, puis du Directoire, enfin président de la section de législation au Conseil d'Etat, en charge de la codification des quatre Codes, civil, de procédure civile, de commerce, et criminel, à l'origine de la reprise de texte, expliquait:

 

« « Avec quel scandale des femmes mariées sans fortune et sans dot réelle, sont-elles, à l'ombre d'acquisitions prétendues, actuellement en possession de toute la fortune d'un mari reliquataire de plusieurs millions envers ses créanciers. Il serait révoltant que la femme du banqueroutier vint enlever ses gages et sortir triomphante d'une catastrophe dont elle fut souvent la première cause.

De sorte que les malheureux créanciers étaient condamnés à passer leurs jours dans les privations et dans les larmes pendant que la femme coulait des jours tranquilles dans la mollesse et l'oisiveté. Tous les arts concouraient pour décorer le palais qu'elle habitait.

Une cour nombreuse prévenait ses désirs et flattait ses goûts et lorsqu'elle daignait faire tomber quelques faibles secours sur un petit nombre de malheureux, non par bienfaisance, car la bienfaisance n'habite pas avec le vol, dans l'espoir que les bénédictions de quelques infortunés étoufferaient les malédictions de la multitude, ces actions prétendues d'humanité étaient encore proclamées avec éclat par des écrivains officieux jusque dans les cours étrangères. » »

(Extraits du registre des délibérations du Conseil d' Etat, corps législatif, séance du 1er septembre 1807, pp. 32 et suivants).

 

 

Comment interpréter la décision du Conseil constitutionnel ?

 

1°. Elle signifie tout d'abord que le mouvement général d'adoucissement de la loi en matière de faillites, se poursuit. La faillite est désormais quelque chose de banal.

 

2°. Elle est une nouvelle victoire des débiteurs sur les créanciers.

 

3°. Elle signifie aussi qu'il faut cesser de considérer que tout est simple dans la société actuelle, ceux qui se reconnaissent bons et honnêtes d'un côté, et ceux qu'on dit malhonnêtes et incompétents de l'autre.

Car la réalité est que les bons sont bêtes et que les autres sont intelligents. Il n'est pas interdit, il est au contraire obligatoire d'être malin.

 

4°. Elle veut dire que tant qu'on n'est pas en état de cessation des paiements (18 mois avant le jugement déclaratif, 24 mois en Italie, je le rappelle), on est in bonis, et que par conséquent on peut tout faire. Donations comprises.

 

5°. La chose a été plaidée du bout des lèvres devant le Conseil constitutionnel. Le pire est que le liquidateur judiciaire en défense sur la Q.P.C. ne pouvait même pas l'évoquer lui : en immobilier, désormais on peut mettre à l'abri non seulement son domicile mais aussi un autre bien, voire tout l'appareil de production.

Et dans un arrêt de l'an dernier qui a été commenté ici, on sait que la Cour de cassation juge que la déclaration d'insaisissabilité ainsi faite prend effet à sa publication au fichier immobilier, étant alors totalement opposable à tous les créanciers. La notion de période suspecte n'existe pas ici.

 

6°. Et l'insaisissabilité, c'est pour tout le monde. Y compris le liquidateur judiciaire s'il le veut sur son domicile ou un autre bien.

 

7°. En parallèle, le périmètre des droits propres des débiteurs et surtout des représentants légaux de sociétés faillie augmentent sans arrêt.

 

8°. Face à cela, les politiques de sanctions personnelles contre les dirigeants sonnent comme des moyens dérisoires, tout au plus contre ceux qui n'ont pas su protéger leurs patrimoines en faisant appel aux avocats qui savent. Et surtout, en ne changeant pas parce qu'il faut faire plaisir au dernier crétin venu, les mesures organisées pour cela. Ceci veut dire qu'on ne doit envisager de faire du commerce ou toute autre activité susceptible de vous conduire à la faillite qu'à la condition d'être séparé de biens si on est marié, avec un patrimoine à sécuriser sans arrêt. Et des femmes et des hommes de confiance autour de soi.

 

9°. Et qu'il ne faut pas attendre aujourd'hui moins qu'avant quoi que ce soit du règlement collectif des impayés : les mandataires judiciaires ne sont pas des surhommes et les moyens légaux qui leur sont donnés ne sont pas à la hauteur de ce que croient généralement les employées naïves des entreprises créancières. Le sourire n'a jamais rien réglé, aujourd'hui moins qu'avant.

 

10°. L’art. L. 624-6.  Est passé à la trappe. Tous moyens ou pas tous moyens.

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