Je retrouve ce
billet de janvier 2012.
J’écrivais il y
a deux ans à peine que le Conseil
constitutionnel n'a jamais l'occasion de statuer sur les questions prioritaires
de constitutionnalité en matière de procédure collective.
Les choses ont
bien changé rapidement. Car il ne se
prive plus de dire le droit constitutionnel sur le sujet.
Revenons à mon
ancienne communication.
J’y traitais
d’une décision du 20 janvier 2012
En disant non
conforme à la constitution l'art. L.624-6 du Code de commerce.
Je cite ce
texte : « le mandataire judiciaire ou l'administrateur judiciaire peut, en
prouvant par tous les moyens que les biens acquis par le conjoint du débiteur
l'ont été avec des valeurs fournies par celui-ci, demander que les acquisitions
ainsi faites soient réunies à l'actif ».
Le nom des
parties et ce que j'ai compris indiquent à tous les coups qu'on était ici en
présence d'un couple marié sous un régime islamique, la loi du mariage étant
alors la séparation de biens (à deux exceptions près, la Turquie et la Tunisie,
avec réserves et pour combien de temps encore ?).
Après cela,
c'est très simple. Le mari est commerçant. A l'époque où il en gagne, il donne
de l'argent à son épouse. Celle-ci joue la fourmi et constitue un patrimoine.
Puis, faillite du mari, et le liquidateur va chercher l'épouse pour réunir son
patrimoine séparé ainsi constitué à celui du mari failli.
On n'a rien
découvert ici. C'est en effet une très vieille histoire.
Déjà notre
confrère de l'époque, Jean-Baptiste TREILHARD (1742-1810), ancien membre de la
Convention, puis du Directoire, enfin président de la section de législation au
Conseil d'Etat, en charge de la codification des quatre Codes, civil, de
procédure civile, de commerce, et criminel, à l'origine de la reprise de texte,
expliquait:
« « Avec
quel scandale des femmes mariées sans fortune et sans dot réelle, sont-elles, à
l'ombre d'acquisitions prétendues, actuellement en possession de toute la
fortune d'un mari reliquataire de plusieurs millions envers ses créanciers. Il
serait révoltant que la femme du banqueroutier vint enlever ses gages et sortir
triomphante d'une catastrophe dont elle fut souvent la première cause.
De sorte que
les malheureux créanciers étaient condamnés à passer leurs jours dans les
privations et dans les larmes pendant que la femme coulait des jours
tranquilles dans la mollesse et l'oisiveté. Tous les arts concouraient pour
décorer le palais qu'elle habitait.
Une cour
nombreuse prévenait ses désirs et flattait ses goûts et lorsqu'elle daignait
faire tomber quelques faibles secours sur un petit nombre de malheureux, non
par bienfaisance, car la bienfaisance n'habite pas avec le vol, dans l'espoir
que les bénédictions de quelques infortunés étoufferaient les malédictions de
la multitude, ces actions prétendues d'humanité étaient encore proclamées avec
éclat par des écrivains officieux jusque dans les cours étrangères. » »
(Extraits du
registre des délibérations du Conseil d' Etat, corps législatif, séance du 1er
septembre 1807, pp. 32 et suivants).
Comment
interpréter la décision du Conseil constitutionnel ?
1°. Elle
signifie tout d'abord que le mouvement général d'adoucissement de la loi en
matière de faillites, se poursuit. La faillite est désormais quelque chose de
banal.
2°. Elle est
une nouvelle victoire des débiteurs sur les créanciers.
3°. Elle
signifie aussi qu'il faut cesser de considérer que tout est simple dans la
société actuelle, ceux qui se reconnaissent bons et honnêtes d'un côté, et ceux
qu'on dit malhonnêtes et incompétents de l'autre.
Car la réalité
est que les bons sont bêtes et que les autres sont intelligents. Il n'est pas
interdit, il est au contraire obligatoire d'être malin.
4°. Elle veut
dire que tant qu'on n'est pas en état de cessation des paiements (18 mois avant
le jugement déclaratif, 24 mois en Italie, je le rappelle), on est in bonis, et
que par conséquent on peut tout faire. Donations comprises.
5°. La chose a
été plaidée du bout des lèvres devant le Conseil constitutionnel. Le pire est
que le liquidateur judiciaire en défense sur la Q.P.C. ne pouvait même pas
l'évoquer lui : en immobilier, désormais on peut mettre à l'abri non seulement
son domicile mais aussi un autre bien, voire tout l'appareil de production.
Et dans un
arrêt de l'an dernier qui a été commenté ici, on sait que la Cour de cassation
juge que la déclaration d'insaisissabilité ainsi faite prend effet à sa
publication au fichier immobilier, étant alors totalement opposable à tous les
créanciers. La notion de période suspecte n'existe pas ici.
6°. Et
l'insaisissabilité, c'est pour tout le monde. Y compris le liquidateur
judiciaire s'il le veut sur son domicile ou un autre bien.
7°. En
parallèle, le périmètre des droits propres des débiteurs et surtout des
représentants légaux de sociétés faillie augmentent sans arrêt.
8°. Face à
cela, les politiques de sanctions personnelles contre les dirigeants sonnent
comme des moyens dérisoires, tout au plus contre ceux qui n'ont pas su protéger
leurs patrimoines en faisant appel aux avocats qui savent. Et surtout, en ne changeant
pas parce qu'il faut faire plaisir au dernier crétin venu, les mesures
organisées pour cela. Ceci veut dire qu'on ne doit envisager de faire du
commerce ou toute autre activité susceptible de vous conduire à la faillite
qu'à la condition d'être séparé de biens si on est marié, avec un patrimoine à
sécuriser sans arrêt. Et des femmes et des hommes de confiance autour de soi.
9°. Et qu'il ne
faut pas attendre aujourd'hui moins qu'avant quoi que ce soit du règlement
collectif des impayés : les mandataires judiciaires ne sont pas des surhommes
et les moyens légaux qui leur sont donnés ne sont pas à la hauteur de ce que
croient généralement les employées naïves des entreprises créancières. Le
sourire n'a jamais rien réglé, aujourd'hui moins qu'avant.
10°. L’art. L.
624-6. Est passé à la trappe. Tous
moyens ou pas tous moyens.
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